mardi 20 novembre 2012

« Sauf le Hamas »

« Sauf le Hamas »

A propos de l’islamophobie politique

Christophe Oberlin 2012 11 19

Lors d’une conférence de presse récente,commentant la nouvelle attaque
israélienne sur Gaza, François Hollande a eu une formule lapidaire. « La
France parle avec tout le monde », avant d’ajouter avecun rien
d’agacement : « sauf le Hamas ! »

Voici donc un président français qui, manifestant son souhait d’être
présent sur un conflit international, élimine d’emblée l’un des deux
protagonistes, et en particulier la victime. Difficile à avaler sur le
plan éthique. Inacceptable sur le plan juridique.C’estoublier que le
président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a fini son mandat
en 2009. Et, en l’absence de nouvelles élections, selon les lois
constitutionnelles palestiniennes, c’est le président du parlementAziz
Dweik, qui aurait dû lui succéder. Aziz Dweik qui fait des allers et
retour entre les prisons israéliennes et son domicile en résidence
surveillée. Donc, pour prétendre aider Gaza, c’est à un président hors
course qu’on s’adresse,un personnage sanssupport légal.

En acceptant l’oukase de Georges Bush décrétant le Hamas organisation
terroriste, la diplomatie européennes’est tiré une balle dans le pied
pour dix années, peut-être d’avantage.

Rappelonsbrièvement la courte histoire du Hamas.

Ce mouvementest issu du Bloc islamique fondé par le Cheikh Yassinedans
les années 70. C’est parce qu’Israël a envahi la bande de Gaza en 1967
que les universités égyptiennes sont devenues interdites aux Gazaouis,
et c’est pour cela que le cheikh a créé l’université islamique de Gaza,
véritable pépinière d’intellectuels musulmans. C’est sous l’oppression
israélienne que le bloc islamique s’est transformé en Hamas en 1987 au
premier jour de la première intifada. C’est parce que le Hamas a
souhaité se transformer en parti politique et participer à des élections
qu’il a interdit les attentats suicide en 2005, interdiction respectée
jusqu’à ce jour. C’est dans le cadre des institutions palestiniennes
qu’ayant remporté largement les élections il a souhaité associer le
Fatah au gouvernement. C’est parce que celui-cil’a refusé et, aidé de
l’extérieur en armes et en blindés légers (je les ai vus de mes yeux),a
essayé de faire un coup d’état, que le Hamas a pris le pouvoir à Gaza.
C’esten respect des lois palestiniennes, que le Hamas gouverne à
Gaza :une politique étrangère, une force de sécurité intérieure unifiée,
une armée (certes dérisoire, mais qui constitue un monopole de violence
légitime), une administration publique qui marche, des salaires qui
tombent tous les mois.

A l’origine de la nouvelle guerre, ce n’est pas un chef terroriste qui a
été tué, Ahmed Jabari, c’est le ministre de la défense.Ce n’est pas le
quartier généraldu Hamas qui a été détruit par Israël, maisle siègedu
gouvernement.

Surtout, le vent de l’histoire a tourné. L’islam politique, victorieux à
Gaza en 2006, a gagné l’Egypte et une partie du Maghreb, en attendant la
suite.Le présidentstigmatise le Hamas élu du peuple, maisreconnaitle
tunisien Marzouki et l’égyptien Morsi ! Ceux-ciont bien choisi leur camp
en se rendant à Gaza dès les premières heures de l’attaque israélienne,
alors que notre ministre des affaires étrangères se rendait en Israël
serrer la main d’un ancien videur de boites de nuit moldave.
Reconnaissons toutefois la grimace de Laurent Fabiusqui a dûse souvenir
de son « trouble » lorsque F. Mitterrand serra celle de Jaruzelski !

Alors que les pays arabes sont en train de choisir une référence
politique qui correspond à leur sensibilité et à leur histoire, la
France se lie les mains encampant sur une conception dépassée et fausse
de l’islam politique, et s’enfonce même dans l’islamophobie politique.
On aimerait connaitre la raison pour laquelle notre ministre de
l’intérieur a publiquement refusé de serrer la main du nouveau président
tunisien. L’occident en crise se cherche un ennemi. Il ne peut décemment
proclamer comme jadis que l’ennemi c’est le mahométan, ou le musulman.
Alors c’est l’islamiste. Et voilà qu’à la méconnaissance manifeste de la
signification du mot islamiste,l’occident lui donne un sens péjoratif !
Comme les Anglais jadis l’attribuaient au mot philistin !

L’islamisme, c’est l’islam politique. Il est né à la fin du 19ème siècle
de la pensée d’intellectuels qui souhaitaientallierrationalisme,progrès
et religion musulmane.Leur mouvement, progressiste et anti colonialiste,
a pris pour nom « réformisme musulman » ou « salafiya ».« Salafiste »,
encore un mot détourné chez nous de son sens originel ! Après eux Hassan
el Bana et les Frères Musulmans se sont inscrits dans la même ligne,
puis le Hamas. Quelle cohérence y-a-t-il à reconnaitre l’islam politique
issu des urnes en Tunisie, en Egypte, en Turquie, au Sénégal, en
Indonésie etc., tout en rejetant le Hamas ? L’islam politique est la
référence culturelle de près de 2 milliards d’habitants. Il y a de
l’islamophobie politique à considérerqu’islam et démocratie ne peuvent
aller de pair. Surtout, avant de blâmer les autres, regardons nous :
certains états occidentauxpratiquent encore la torture, appliquent la
peine de morty compris pour lesenfants. Certainspaysoccidentaux ont des
taux d’homicide et de suicide parmi les plus élevés du monde. Et ce
n’est pas dans un pays musulman qu’il y a 300 000 blessés et 28 000
morts civils par armes à feu chaque année !

Il est temps de nous débarrasser de l’islamophobie politique. Les
Palestiniens ont droit aussi à la sécurité. Ne pas le dire relève de la
discrimination, ce qui dans notre pays est un délit.Promouvoir un cesser
le feu sansinstaller les moyens d’une « no fly zone » sur l’ensemble de
la Palestine ne serait qu’une gesticulation.

Et le président devrait aussi écoutez aussi un peu plus ses
collaborateurs, comme Mrs Pietton et Aubin de la Messuzière.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire